Les fêtes traditionnelles du Viet Nam
Les fêtes traditionnelles du Viet Nam – ©MathildeTuyetTran, France 2014
Il est difficile de connaître le nombre exact des fêtes traditionnelles vietnamiennes, mais on peut se contenter du chiffre de plus ou moins 500 fêtes locales, régionales et nationales dans l’année, documenté par les spécialistes dans ce domaine.
Le territoire longiligne du Viet Nam, de l’Extrême Nord à l’Extrême Sud, du froid au chaud en passant par la traditionnelle pluie de l’ancienne capital impériale Huế, héberge les fêtes qui correspondent avec le changement de la nature de chaque lieu.
De Lũng Cú au nord jusqu’à Huế au centre, c’est la zone climatique avec les quatre saisons, plus ou moins accentuées, cette partie territoriale est en ce moment en hiver comme ici chez nous, au mois de décembre, et le printemps revient chaque année avec la fête du Tết.
De Huế à Cà Mau, jusqu’au point d’extrême Sud nommé Đất Mũi, les quatre saisons changent simplement en deux modes: la pluie ou le soleil, deux saisons de pluie ou de sécheresse, ou souvent on trouve les deux saisons plusieurs fois intercalés dans la même journée, les averses d’abord et le soleil pour sécher ensuite. Quand j’écris cet article, Paris a 8°, Hà Nội 10°, Huế 17°, Quy Nhơn 21°, Saigon (HoChiMinh-Ville) 32°.
Les fêtes de tous les lieux du pays se ressemblent sur plusieurs éléments: bruyantes, colorées, musicales, religieuses, rituelles et on passe le temps à boire et à manger. Le fondement de chaque fête est le caractère religieux bouddhiste, le culte des ancêtres et le culte des Saintes-Mères traditionnel vietnamien. Donc, les rituels sont quasiment d’inspiration bouddhistes.
Chaque fête est organisée en trois étapes: la préparation, la fête et la clôture avec leurs strictes rituels obligés.
L’origine des fêtes est issue de la croyance à la nature et du mode de production agricole du peuple vietnamien. Le Viet Nam a beaucoup changé, dans tous ses aspects, mais le pays est à ce jour encore un pays agricole. *
La population vit et travaille au rythme de la nature et de la culture de riz en général, donc souvent les fêtes sont organisées après les récoltes d’hiver-printemps (Đông Xuân) et d’été-automne (Hè Thu).

Les quatre solstices européens. Dans le mot solstice, on retrouve deux mots issus du latin : « sol » qui veut dire Soleil et « stice » qui vient de stare qui signifie « s’arrêter ». Chaque jour, le Soleil est le plus haut dans le ciel à midi (heure solaire). Si on mesure cette hauteur tous les jours, on constate qu’elle varie. Cette variation de hauteur du Soleil entraîne alors une variation de la durée du jour. Ce mouvement du Soleil qui semble monter et descendre dans le ciel n’est qu’apparent car ce n’est pas le Soleil qui bouge mais bien la Terre. Chaque jour, la Terre tourne sur elle-même en 24 heures par rapport à un axe de rotation incliné passant par les pôles, appelé “axe polaire”. Pendant que la Terre tourne sur elle-même, elle effectue chaque année le tour du Soleil en maintenant son axe polaire toujours penché et orienté dans la même direction du ciel. Source: http://www.espace-sciences.org
Les fêtes traditionnelles du Viet Nam sont basées sur le calendrier lunaire vietnamien. Traditionnellement les bouddhistes font une cérémonie dans la famille au 1er jour ou le 15 ème jour du mois lunaire.
Les européens connaissent les solstices d’hiver et d’été, le solstice d’hiver (Đông chí) est le jour le plus court de l’année, il tombe souvent le 21 ou 22 décembre. Le solstice d’été (Hạ chí) est le jour le plus long de l’année, il est défini au 21 juin du calendrier grégorien.
Cette année 2014, le solstice d’hiver européen, le 22 décembre tombe au premier jour de novembre de l’année du cheval (Giáp Ngọ) du calendrier lunaire vietnamien. À ma connaissance il n’y a pas de fête, exactement, du solstice d’hiver (Đông chí), ni au solstice d’été (Hạ chí) au Viet Nam.
D’après les objectifs et les structures culturelles des fêtes traditionnelles, on peut caractériser les fêtes en trois groupes:
- les fêtes solsticiales liées au changement de la nature: changement de saison, de la marrée, demande de pluie, commencement du labour sur les champs, les combats de buffles, la nouvelle récolte de riz, le concours des bateaux….,
- les fêtes des héros nationaux comme les fêtes des Rois Hùng, du Roi Quang Trung Nguyễn Huệ, des Tây Sơn Bình Định, des sœurs Hai Bà Trưng à Mê Linh, de Bà Triệu à Thanh Hóa, de Lê Văn Duyệt à Saigon…
- les fêtes religieuses et culturelles comme les pèlerinages aux pagodes (hội chùa Hương, chùa Keo, chùa Thầy…) et aux temples des Saintes-Mères (hội Mẫu Liễu Hạnh, hội Bà Chúa Xứ Núi Sam ), fêtes des génies des métiers, des génies du village…
Les communautés minoritaires au Viet Nam organisent aussi leurs fêtes traditionnelles, souvent liées avec les mouvements de la culture agricole et le changement de temps, de saison.
Les fêtes commerciales organisées pour le tourisme ou l’exportation, nommées “Festival” (liên hoan) n’ont aucun caractère de “tradition”, spirituel ou religieux…, pourtant les éléments culturels (les chants, les danses…) de présentation ce genre de Festival font parties du répertoire traditionnel, par exemple Festival de Hue, Festival du thé ou Festival du café…
Deux exceptions sont: la fête de Noël pour fêter la naissance de Jésus Christ et la fête de la fin d’année d’après le calendrier grégorien, la Saint-Sylvestre. La communauté chrétienne vietnamienne occupe une place minoritaire dans les croyances religieuses du peuple vietnamien, mais la fête de Noël, liée à des intentions commerciales et touristiques de plus en plus évidentes dans plusieurs pays du monde, est aussi sérieusement adoptée au Việt Nam – là où se trouve une église, on fête Noël – de la campagne profonde jusqu’aux grandes villes comme Hà Nội et Saigon (HoChiMinh-Ville). Dans un village à Hà Tĩnh, chaque maison expose une crèche monumentale pour l’enfant Jésus devant sa porte, c’est impressionnant ! Tandis que Hà Nội et Saigon décorent la fête de Noël à outrance, une mer de lumières dans chaque ville et de la neige à Saigon, et on “oublie” l’origine religieuse de cette fête.
La fête du Tết est une fête nationale du Viet Nam, avec elle une nouvelle année lunaire commence au premier jour de la fête du Tết, mais en même temps, elle est quasiment la fête du solstice de printemps au Viet Nam (tiết Lập Xuân), car elle termine l’hiver et annonce l’arrivée du printemps avec les deux symboles les plus attachants pour chaque vietnamien: la fleur de prunus (hoa đào) au Nord et la fleur de Mai (hoa mai) au Sud.
À la fête du Tết, chaque personne, chaque foyer doit obligatoirement avoir une branche de prunus ou de mai pour décorer l’habitation, et en même temps, dans un esprit superstitieux on demande subtilement, silencieusement quelle est la chance dans la nouvelle année, bien ou mal ? Si les fleurs s’ouvrent splendidement dans les premiers jours de la fête du Tết, on est soulagé, la nouvelle année ne doit pas être mauvaise. Mais si les boutons tombent, pas de fleurs ? hélas, la malchance est annoncée.
Il y a quelques années, j’ai vécu une histoire symbolique à une fête du Tết à Saigon.
Nous avons choisi sur le marché de fleurs un très joli pot de bougainvillier de couleur rose intense, haut d’un mètre environ, pour la visite de la tombe de ma mère au premier jour de l’an, de la fête du Tết. Je l’ai confié au gardien de l’hôtel pour qu’il prenne soin de ce bougainvillier, il y avait encore trois, quatre jours jusqu’à la fête du Tết.
Le matin du premier jour de la fête du Tết, j’ai commandé un taxi, et nous descendons au garage de l’hôtel pour prendre le pot de bougainvillier. Je n’ai pu en croire mes yeux: tous les boutons, toutes les fleurs étaient tombés par terre, parsemés autour du pot !
Et qu’est qui nous a arrivé ?
Le lendemain, on nous a volé mon appareil de photo Lumix, le jour suivant on nous a piqué une somme de cinq mille euros que mon mari portait dans une enveloppe sur son corps. J’ai fait confiance à la force physique de mon mari avec son gabarit costaud, lui, il a cru, qu’il sentirai tout de suite si on le touche. Mais nous sommes les deux pauvres naïfs, dans une bousculade organisée les pickpockets sont tellement professionnels que mon mari a senti “trop tard” ! Volé ! Perdu ! Eh bien, cette année c’est mal passée, je n’ai rien réussi, que des ennuis et difficultés insurmontables !
Chaque fête traditionnelle contient et exprime deux éléments spirituels: la divinité (Lễ), exprimée par les rituels religieux de la fête, qui doivent être strictement suivis et célébrés, et la vie terrestre (Hội), exprimée par les chants, les danses, les jeux, les pièces de théâtre, les concours, la lutte à mains nues…etc..
On dit “ăn Tết” (manger le Tết) pour indiquer le caractère matériel de cette fête de la famille, ou on n’invite ni les amis, ni les collègues chez soi, on mange, on boit, on voyage…seulement en famille, pourtant on reçoit durant les trois, quatre jours au début de l’année, les vœux des amis, voisins…et d’autres personnes au tour d’ une tasse de thé, un petit verre d’alcool et les gourmandises de la fête du Tết. Je précise, on invite personne, mais on attend les visiteurs volontaires, c’est le signe d’amitié: on se sent obligé de venir, porter les vœux, même quand on est pas invité. Les cadeaux de la fête du Tết ont déjà été échangés durant les deux semaines précédentes.
Le premier jour de l’année est un jour sacré que l’on réserve pour aller faire une prière à la pagode, à l’église ou dans les temples, ou visiter les tombes des parents et de la famille, y apporter les fleurs, de l’encens et des offrandes.
Superstitieusement, chaque visiteurs des lieux de culte “prend” une branche d’un arbre, d’un arbuste….du jardin de lieu saint pour l’emmener comme “talisman” à la maison, à tel point que le jardin est ravagé, nu. À cette occasion, on peut acheter des oiseaux, vendus dans les cages par les marchands ambulants dans chaque lieu de culte, pour les libérer de suite. Mais souvent, les oiseaux, fatigués, maltraités, ont faim et soif pendant le longue transport et l’attente client au soleil, n’ont plus la force pour s’envoler, il tombent de nouveau par terre comme des moribonds.
Le 23 décembre lunaire on a du déjà acheter des poissons rouges qui seront libérés le même jour pour fêter la montée au ciel (donc des poissons volants) des génies des trois feux du foyer. Ils sont censé aller dénoncer aux dieux, les faits de la famille dans l’année écoulée !
Les jours suivants de la fête du Tết sont réservés aux ballades familiales, des voyages à la mer, des divertissements avec les enfants…Tout le monde est bien habillé, coiffé, maquillé, décoré avec des kilos de bijoux (les femmes coquettes et riches). Particulièrement aux enfants, on leur offre des habits tout neuf pour se vêtir et des billets neufs pour leur apporter de la chance dans la nouvelle année.
On dit “chơi Hội” (jouer Hội) pour indiquer le caractère commun, social d’une activité commune avec toutes personnes de la société, on fête une fête traditionnelle avec tout le monde.
Les fêtes solsticiales sont très bruyantes, vivantes grâce à plusieurs jeux traditionnels de la société paysanne et des concours, par exemple cuire le meilleur pot de riz, attraper un cochon, un canard, ou une chèvre avec les yeux bandés, concours de tissage, concours de natation, grimper sur un pont fait avec des troncs d’arbre, combat de corps, tirer à la corde, combat de coqs, combat de buffles, combat de grillons….
Les autres fêtes solsticiales célèbres au Viet Nam sont par exemple la fête de combat de buffles à Đồ Sơn, Hải Phòng au printemps avec la partie rituelle sacrée réservée au Génie de l’Eau (Thủy thần), la fête du printemps et le chant Quan Họ à Bắc Ninh, la fête Lồng Tồng de la minorité Tày à Thái Nguyên pour le commencement de la nouvelle saison de labour, la fête de l’Eau de la rivière Rouge à Hưng Yên, la fête des gros poissons de mer (Cá Ông) sur plusieurs sites, villes, villages… au bord de la mer du Nord au Sud (cela explique pourquoi les vietnamiens ne mangent pas la chair des gros poissons comme l’esturgeon, espadon, requin ….)
Je devrais écrire un gros livre pour vous donner tous les détails de toutes les fêtes traditionnelles du Viet Nam. MTT
* à lire: Cultes et lieux de cultes – Facteurs de l’identité nationale et de la cohésion Vietnamienne ? – © Mathilde Tuyet Tran, France 2014 – https://mttuyet.fr – http://mttuyet.wordpress.com
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